Propension Naturelle et Volonté

Il y a quelques jours, je discutais avec une personne qui me disait :

– Si la colère existe, c’est qu’il faut l’utiliser ! La nature n’a pas créé des choses inutiles !

Il se trouve que par ailleurs, cette personne est engagée dans le féminisme, rappelant régulièrement à qui veut l’entendre, que lorsqu’une femme dit NON, c’est NON !

Etrange paradoxe… Car si j’avais envie de taquiner l’animal, je pourrais lui dire la chose suivante :

– Si les pulsions sexuelles existent, c’est qu’il faut les écouter ! La Nature n’a pas créé des choses inutiles…

Et je pourrais dire la même chose à propos des gifles, des fessées et autre châtiments corporels infligés aux enfants… N’est-ce pas naturel de les éduquer par force ? De les dresser ?! N’est-ce pas plus facile de les menacer d’une sanction plutôt que de les écouter et leur expliquer le pourquoi du comment ?…

La propension naturelle est rarement le chemin à suivre… D’ailleurs l’une des voies de la sagesse consiste à prendre le contrôle sur cette soi-disant «nature humaine», de «faire face à ses démons intérieurs» et de faire preuve de volonté pour mener sa barque dans la bonne direction, même lorsque le tempête gronde…

Dans un contexte plus professionnel, je prendrais l’exemple de l’orateur dont l’auditoire se dissipe et discute pendant qu’il essaie de se faire entendre… Sa propension naturelle sera de lever la voix. Or dans 80% des cas, cette pratique mènera son auditoire à la surenchère : il finira son discours en criant. A l’inverse, s’il s’autorise à baisser la voix, son public devra faire silence pour l’écouter, et une autorégulation se manifestera dans la salle à travers des «chuuut !».

Que d’Energie conservée pour les moments clé du discours…

Les pratiques de Développement Personnel sont parfois considérées comme religieuses. La raison est simple : aucune voie de sagesse n’est écartée. On pourra donc s’inspirer de la Bible ou du Coran comme des citations de Bouddha, sans discrimination. Et comme les textes sacrés sont pleins de Sens (lorsqu’on s’autorise une lecture au-delà du premier degré), on peut y trouver de très belles pratiques transcendantes, sans forcément verser dans la religiosité :

UNE HISTOIRE HASSIDIQUE

Dans un petit village, deux hommes, tous deux commerçants, se détestaient pour diverses raisons. Il s’étaient arrangés pour sortir à 30 minutes d’intervalle, afin de ne jamais se croiser. En arrivant au marché, ils choisissaient des stands éloignés pour décharger leurs ânes et travailler loin de la vue l’un de l’autre. Un jour, l’âne du premier commerçant commença à montrer des signes de faiblesse. Il s’arrêta au milieu du chemin, et ploya sous la charge… Le deuxième commerçant arriva quelques minutes plus tard et voulut prendre un autre chemin. Soudain, il entendit la voix de son maître résonner dans sa tête. Elle lui rappelait cette loi biblique (Exode 23) :

Si tu vois l’âne de ton ennemi succombant sous sa charge, et que tu hésites à le décharger, tu l’aideras à le décharger.

A contrecœur, il se dirigea vers son concurrent et ennemi, et lui proposa son aide. Ce dernier accepta avec un rictus. Pendant la manœuvre, les deux hommes échangèrent très peu de mots, préférant utiliser quelques signes et un ton rude. L’échange ressemblait à ceci :

– Sangle !
– Détachée…
– Fragile !
– Je sais…
– A terre !
– Posé…

Lorsque l’âne faible retrouva une posture encourageante, le deuxième commerçant chargea son âne avec la marchandise qui était à terre et proposa à son ennemi de l’accompagner jusqu’au marché. C’est alors que l’inévitable se produisit. Celui-ci lui répondit :

– Merci…

Le dialogue qui s’en suivit en chemin fut beaucoup plus construit. Les phrases s’allongèrent, et une heure plus tard, le placier vit arriver deux amis au marché… Il les plaça l’un en face de l’autre. Jamais plus ils ne se querellèrent et ils prospérèrent tous les deux grâce à l’entraide et l’échange d’idées…


Que se serait-il passé si le deuxième marchand avait suivi sa propension naturelle à se réjouir du malheur de son concurrent, en jubilant jusqu’au marché ? Il aurait probablement fait une meilleure journée que d’habitude, vendant 2 fois plus… C’est logique ! Mais contre toute attente, et même s’il était incapable de comprendre la raison de son geste, il a répondu à la voix de son maître. Une voix qui lui rappelait que nos propensions naturelles ne sont pas forcément adaptées à la situation et que parfois, c’est dans la transcendance (le dépassement de Soi) que se trouve la meilleure approche.

Il a donc aidé son ennemi sans raison, puis il a écouté ce que cette action transcendante pouvait lui apporter… Il a écouté sa Nature Humaine APRES l’action. Ça change tout !

En approfondissant la morale, on pourrait se poser aussi cette question :

– Et si l’âne n’était pas innocent dans cette histoire ? Et plus généralement, et si prendre soin des animaux permettait d’unir les hommes ? Même les ennemis jurés…

A méditer…

Posted in Semaine 6

8 COMMENTS

Danièle - posted on 25 mai 2018 23:41

Les animaux…une école de la vie…à qui le dis tu? j en ai tiré le complément d éducation qui m a manqué . Ils ont su m’expliquer l inutilité et l improductivité de la colère de façon plus que claire et explicite, sans détour. je ne peux que cautionner et témoigner. En revanche je prends de plus en plus conscience qu avec un peu plus d effort, de bonne volonté ou de bienveillance, de communication, moins de défiance, on peut juste entre humains trouver les mêmes qualités de relation fondees sur l ecoute et le coeur. Mais sans doute on (enfin moi) je me protège plus avec des personnes alors que je me sens naturellement en confiance réciproque et respectueuse avec l’animal. Se laisser agir instinctivement en évitant à tout prix le conflit et observer le résultat positif permet de rejouer encore et encore et d’aller de plus en plus facilement (j en suis plutôt à de moins en moins difficilement) vers les autres et de ne plus avoir de reactions « sanguines ». Désolée j’ai trop mal exprimé ce que je ressens, je reste encore plus douée en langage animal.

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Danièle - posted on 26 mai 2018 16:52

Bref si je ne suis plus colérique c’est grâce aux animaux.

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Fred - posted on 26 mai 2018 03:29

Je ne sais pas si ça a le moindre rapport mais aujourd’hui quelqu’un de désemparé face aux conséquences d’une délégation m’a demandé comment elle pourrait réagir pour récupérer la situation. Je lui ai proposé de déléguer.

Je m’explique. Face à une surcharge de travail, elle a confié certaine tâches à une autre personne et le résultat n’est pas à la hauteur de ses attentes, ce qui nuit à son image. Du coup, naturellement, elle se dit que pour corriger, il va lui falloir tout refaire elle-même. Je pense qu’il y a là un sérieux risque. À vouloir tout faire, elle va se mettre en danger. On ne pourra qu’admirer son attitude, mais c’est oublier que ce qui intéresse le client c’est le résultat, pas comment on y est arrivé. Je lui ai donc rappelé que pour pouvoir reprendre certaines tâches sans trop se mettre en danger, elle ferait bien d’en déléguer d’autres et j’ai ajouter qu’il pourrait également être bénéfique de responsabiliser la personne à l’origine de ces problèmes en l’impliquant dans la solution plutôt qu’en l’excluant en guise de punition. Elles pourront régler leurs comptes une fois l’échéance passée.

Et là, après ces faits, je lis cet article. Je ne sais pas vous, mais j’y vois de la synchronicité.

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Marc - posted on 27 mai 2018 15:12

Bien sûr qu’il faut écouter ses pulsions. Sinon le désir n’éxisterait plus. Imaginons, la femme de ma vie passe, une pulsion me traverse et je lui dis ben non Stéphane m’a dit de t »ignorer. Alors que je peux tout à fait aller trouver cette jolie dame et tenter de savoir si ma pulsion est partagée, ce qui peut donner de beaux ébats. Une pultion c’est une motivation importante.
Pour les enfants, leur réction peut parfois générer de la colère chez un parent. Mais la colère ce n’est pas nécessairement appliquer un chatiment corporel ou hurler. C’est avoir beaucoup d’énergie mobilisée brusquement et je reconnais qu’ils peuvent être effrayés pas l’expression d’une colère même controlée. Je pense qu’on peut quand même l’exprimer à condition de ne pas la diriger vers eux et de leur expliquer à postériori ce qu’un mauvais comportement peut engendrer chez un autre qui lui ne la controlera pas forcément.

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Marc - posted on 27 mai 2018 15:16

Sinon, je suis en effet d’accord sur le fait de déterminer l’origine de la colère, ce qui n’est pas toujours évident lorsqu’elle nous déborde.

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Jacqueline P. - posted on 27 mai 2018 17:29

Il semblerait que refréner ses colères n’est pas bon pour la santé. Mais personne n’a dit qu’il fallait les déverser sur la tête des autres sans délai ! On peut se défouler de mille façons, de même que si une dame dit NON, le monsieur n’est pas obligé de lui sauter dessus malgré tout !!
Par contre, ce que dit la personne que tu nous cites est encore autre chose : il s’agirait de l’utiliser, cette colère. Là, je pense qu’elle a raison, même si sa raison est folklorique ! La colère et l’indignation sont des leviers magnifiques d’action : le tout est de ne pas rater son but en tapant à côté … Le problème est que la colère est souvent mauvaise conseillère (ou aveugle, ou incontrôlable.. les poncifs ne manquent pas qui indiquent qu’on a grand intérêt à s’en méfier). Alors, il faut la tempérer, ne pas lui laisser décider des actions à mener. Mais il ne faut pas l’écraser, la nier ; au contraire, il faut d’une manière ou d’une autre la laisser s’exprimer … peut-être pas comme elle aurait eu tendance à le faire « à chaud ». En fait, il y a une myriade de bouquins qui font l’éloge de la colère ! Donc j’arrête les généralités pour ne parler que de mon expérience en la matière.
Sur le moment, il m’arrive de boxer mon canapé ou de lâcher une litanie de jurons bien sentis (si personne n’est à portée d’oreille qui pourrait le prendre pour il-elle). Habituellement, quand je ne suis pas seule, je me contente de serrer les dents et respirer un bon coup. Ensuite, je me demande ce qui a bien pu m’énerver à ce point. L’analyse est toujours très intéressante ! Et parfois, je garde cette colère précieusement pour l’utiliser comme une force dans l’action, parce que « je ne peux pas laisser passer cela ».

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Jacqueline P. - posted on 27 mai 2018 17:41

Désolée, Stéphane, il y a beaucoup d’autres choses dans ton article que la colère, mais voilà , cela a toujours été pour moi une pulsion très forte que j’ai (presque) domestiquée avec le temps !! Alors le mot est un petit chiffon rouge : je fonce !!

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jonson - posted on 5 décembre 2018 23:56

bonjour
c’est comme etre et ne pas etre
les chinois appellent cela wei wei
chaque personne vit selon son niveau de conscience
de ce fait il faut toujours etre attentif et interpreter
selon le contexte
bonne journee
jonson

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